Un exubérant dégradé de verts, frais, joyeux, tout plein de la sève nouvelle d’un printemps euphorique, un petit coin d’azur habité d’une légère échappe de gaze blanche aérienne, puis perchées dans des arbustes une profusion de petites fleurs aux discrètes couleurs pastel laissant tomber au sol un tapis de moelleux pétales. C’est dans cet écrin de verdure savamment étudié qu’il l’avait posée comme un joyau précieux. Assise auprès de la petite table ronde en fer forgé elle vous regardait, sereine, une citronnade à portée de main, semblant vous inviter à partager sa pause. Le blond roux de ses cheveux, le bleu lavande de sa robe d’été, tout concourrait à la douceur vivante de la peinture.
Malo était subjugué, il connaissait le peintre par quelques œuvres qu’il avait déjà pu contempler, quelques paysages et des portraits qui avaient fait sa renommée, mais ce tableau avait quelque chose de différent, un ‘plus’ difficile à définir.
– C’est une vraie splendeur Elaine, je comprends combien sa disparition a dû vous choquer et combien il est heureux qu’il soit revenu ici.
– C’est à vous que je le dois et ma reconnaissance est infinie, à la hauteur de l’attachement que je lui porte.
La baronne Elaine d’Aigue-Marine connaissait Malo de longue date et appréciait autant le professionnel de la brocante que l’homme avisé et discret. Il avait eu l’occasion de la conseiller fort justement lors de l’inventaire de son manoir à la mort du baron. Le couple n’avait pas d’enfant mais le baron avait souhaité que ses biens soient partagés entre sa femme et sa sœur, laquelle vivait à l’étranger.
– Les trois petits fauteuils volés et restitués que j’avais déjà remarqués chez vous mériteraient une nouvelle jeunesse pour décorer comme il se doit votre salon. Savez-vous que Victor, parmi ses nombreuses qualités, a des précieux dons de tapissier ?
– Voilà une suggestion très intéressante, j’y avais bien pensé mais je n’avais jamais pris le temps de concrétiser l’affaire. Voilà qui est fait, je vous les confie, enfin… je les lui confie, glissa la vieille dame dans un sourire.
Par ailleurs, reprit-elle, l’occasion se présentant aussi, je souhaiterais que vous donniez un nouveau cadre à mon tableau. Si vous ne le connaissiez pas c’est parce qu’il était dans ma chambre. Je crois que désormais je vais l’accrocher au salon, il est temps que j’assume mon passé, tout mon passé.
En cette fin d’après-midi estivale, le vent se leva chaud et lourd, un frisson passa sur la terrasse du manoir comme un fantôme égaré.
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