– Vous contemplez là mon plus beau temps passé sans espoir qu’il renaisse, le temps du grand amour qui m’a liée à Daniel alors que j’étais encore très jeune…
– … et très belle, pensa tout haut Malo.
– C’est vrai je suis vieille maintenant et la beauté de la jeunesse s’est enfuie, releva malicieusement Elaine.
– Ne dites pas cela, soyez assurée que vous avez toujours ce charme fou que le peintre a su si bien rendre sur sa toile. Son amour pour vous a transcendé son œuvre, c’est d’une telle évidence !
– Vous êtes bien gentil mais les plus de soixante ans qui se sont écoulés m’ont dotée de cheveux blancs et de rides, et je comprends bien que vous ne m’ayez pas reconnue dans cette jeune fille à la chevelure flamboyante et au teint de rose.
– Si je comprends bien, ce tableau doit être un des derniers de Daniel Leblanc-Cassé.
– C’est même le dernier puisqu’il était à peine sec que nous étions partis pour ce qui sera son ultime voyage.
– Vous étiez donc avec lui sur le ferry qui a fait naufrage ?
Elaine ne répondit pas immédiatement, elle sembla absente pendant quelques instants, envolée en esprit vers ce printemps tragique. Un grand soupir annonça son retour dans le présent.
– Nous voyagions à la fois pour visiter sa sœur établie en Angleterre et concrétiser un contrat avec une galerie à Bruges. La tempête n’avait pas été annoncée sinon nous n’aurions pas appareillé. Elle fut soudaine et dantesque. Je me souviens de vagues monstrueuses, de notre terreur dans ces éléments déchaînés, de la force avec laquelle nous nous serrions l’un contre l’autre. Nous avons été balayés par une déferlante, c’est mon dernier souvenir, je me suis réveillée après deux mois et demi de coma… seule à tout jamais. J’avais perdu mes deux amours, Daniel et notre enfant, mon tout-petit de trois mois…
Malo tressaillit à cette révélation alors que la voix d’Elaine défaillait et faisait naufrage dans un flot de larmes incoercible.
le texte entier mis à jour est ici
C’est une tragique mais belle histoire.