On ne sait quel plus vivace et plus sûr témoignage puisse subsister de ces lambeaux de vies oubliées que celui de Donald MacLeod, maçon de Rossal révolté qui, au milieu de soldats et leur chef à ses flancs, fut embarqué et comme des milliers d’autres écossais obligé de quitter le pays.
Ses épaisses et “glauques mémoires”¹ relatent abondamment et en détails affligeants tous ces terribles châtiments.
Tel ce vieillard de Rhimsdale, atteint d’un de ces maux rongeurs qui ne pardonnent pas, que son fils de retour de funérailles retrouva mains jointes et pieds nus sur la pierre, près des ruines fumantes de son habitation.
Ou encore cet homme de Grunmore qui dut réveiller sa femme lasse, ses deux filles malades dormant et parcourir plus de vingt-cinq miles en les portant, sans autre but précis que de fuir un embrasement et de leur retrouver un abri de fortune.
Quant à Margaret MacKay, centenaire du hameau de Ceann-na-Coille, elle gisait sur sa couche de paille, comptant, abattue et les mains sur son cœur, les grains de son chapelet lorsque la troupe des incendiaires dans son logis est entrée.
L’écœurante chaleur gorgeait déjà la chambre étroite, lorsque sur une civière en urgence des voisins l’ont évacuée.
À l’extérieur on entendit Sellar s’exclamer: “Damn her, the old bitch, she has lived too long, let her burn!”.²
Cinq jours plus tard, elle était décédée.
Ce dernier forfait valut à Patrick d’être temporairement emprisonné et rapidement jugé mais il fut bien sûr acquitté et, une fois libéré, ne manqua pas de se venger en reprenant de plus belle sa politique de terre brûlée.
¹ “Gloomy Memories” est un ouvrage rédigé par Donald MacLeod et qui répertorie de façon quasi-exhaustive les atrocités commises par Sellar et ses hommes. On peut le trouver gratuitement en ligne sur archive.org mais il a également été réédité en 2018 par Franklin Classics.
² “Maudite soit cette vieille p…, elle a vécu trop longtemps, qu’elle brûle!” – La citation est véridique et de notoriété publique.
Je trouve que chaque partie est extrêmement bien rendue. C’est une histoire terrifiante d’autant plus qu’elle est vraie. Je salue toutes ces contraintes en gras que vous avez chaque fois habilement utilisées!
Merci, Ma Pie. Oui, je dois avouer que je me “sors un peu les tripes” avec cette série de textes, mais il fallait que je me libère de ce poids historique que je ne connais que trop bien. J’ai énormément lu sur le sujet et même donné quelques conférences. Je prépare un ouvrage dans un futur proche.
Votre écriture est à a hauteur de ce récit poignant
Merci, Mélanie, pour ce sixième volet, j’ai vraiment peiné, d’autant plus qu’il fallait que je sélectionne parmi tous les exemples dont je disposais et fasse avec quelques contraintes. Cela n’a pas été facile et je n’en suis pas encore tout-à-fait satisfaite.
C’était en mémoire de Donald MacLeod, maçon de son état, premier résistant.