Chap 21 – « Cuisine interne »
– Ah, la cuisine interne, ça nous connaît madame Sidonie! Il faut faire avec le tempérament de chacun, et en terme d’ingrédients, nous avons de tout! s’éveille monsieur Karma avant de citer quelques exemples.
– Monsieur Desmond, le critique gastronomique.
Malgré son agnosie gustative, il s’escrime à goûter chaque jour les plats servis au restaurant afin d’en rédiger la critique.
« Parce que faute d’être savoureux, le plat doit au minimum être esthétique » , le presque nonagénaire prend de longues minutes pour donner à sa purée de panais des airs de « quenelles de mousseline de légumes oubliés ».
Tant et si bien qu’à l’heure de déjeuner, tout est froid.
Pour clore le repas, il exprime systématiquement son dégoût sur une page datée qu’il demande à afficher à l’entrée de l’établissement aux yeux de tous. Pour exemple, la critique d’hier :
« Filet de cabillaud rôti: beaucoup trop cuit pour exprimer ne serait ce que le goût iodé de son élément naturel. La chose peu ragoûtante est servie tiède pour ne pas dire froide accompagnée d’un gratin de courgette insipide. Le dessert n’a d’attrait gustatif que le nom: « fruits au sirop» »
Il y a aussi madame Bidault, une fan de la série Barnaby.
La pauvre femme a perdu coup sur coup deux bonnes amies, suite à la terrible épidémie de gastro-entérite. Elle en a déduit que quelqu’un chercherait à l’empoisonner, elle aussi, car vous savez ce que l’on dit… « Jamais deux sans trois »!
Depuis, elle ne déjeune plus sans avoir préalablement fait goûter ses plats à deux personnes différentes. Cela, en si bonnes proportions, qu’il ne lui reste bien souvent à diner qu’un peu de potage ou de carottes râpées. Sa fille inquiète de la voir maigrir à vu d’oeil s’est mise à lui apporter des gâteaux tous les jours, entraînant une prise de poids conséquente du personnel…
Et puis il y a Monsieur gilles, un homme si attachant.
Parti du principe que ses chances de devoir se présenter devant l’Eternel approchent, il a décidé de verser dans le mystique. D’origine catholique, il a commencé à se plonger dans l’hindouisme ( rapport a mon patronyme sans doute) puis, dans l’islam et toutes les religions les plus connues , de façon à ce que le jour du jugement dernier , il soit un minimum accepté quelque soit le « camps » .
– Une façon pour lui de miser sur toutes les équipes à la Foi, s’amuse Victor
Oui en quelques sortes! Du coup, il alterne les semaines casher, halal, végétarien etc.., il fête toutes les grandes fêtes religieuses, l’aÏd, le diwali le yom kippour … Je dois dire que cette ouverture d’esprit et de culte fait de lui, l’homme le plus délicieux qui soit.
Et puis enfin, nos deux nouveaux… Violette et Eugène, deux amoureux… des adolescents qui pourraient se suffire à eux-même.
Elle, lit dans les nuage et perd doucement ses mots.
Lui devine les formes qu’elle y lit et raconte ce qu’elle ne peut plus dire avec l’humour qu’il lui connaît .
Ils se complètent comme deux pièces de puzzles dépareillés. Une Sorte de rébus poétique…
Tournesol l’écoutait décrire tous ces personnages comme les figurants d’une grande fresque locale. Les deux derniers ingrédients de la cuisine interne de monsieur Karma étaient bien évidemment ses préférés.
Précédemment dans « la fleur de l’âge »😉: https://algomuse.fr/la-fleur-de-lage-chap1-ma-pie/
Amusant florilège d’un monde dans son étonnante diversité