C’est une réussite et je peux enfin souffler. La journée au Château des ducs de Bretagne avec les élèves de 5ème m’avait demandé une préparation intense car en tant que prof d’histoire j’en avais été l’instigatrice et par retour des choses l’organisatrice, mais cet effort n’était pas vain, tous étaient contents et l’objectif pédagogique de la visite semblait atteint, on verrait la semaine prochaine ce qu’il resterait de l’aventure en termes de connaissances dans ces petites têtes blondes, brunes et rousses. Je m’effondre, plus que je ne m’assieds, sur un banc à l’ombre des grands arbres du cours Saint-Pierre d’où la dispersion a eu lieu. J’ai un peu faim mais plus rien à grignoter, je ferme les yeux un instant…

Un bruissement proche me sort de ma torpeur, sans doute les battements d’ailes de pigeons qui sont nombreux en cet endroit. J’ouvre les yeux, la pénombre est installée sur la ville, je me suis donc assoupie pendant un long moment semble-t-il, une sorte de brume flotte sur ce lieu très touristique et la foule de cette belle après-midi a déserté les lieux. Quelle heure est-il ? Mon portable ne s’allume plus, pourtant je l’avais bien chargé en prévision de cette journée intense. Je frissonne, l’air est doux mais une inquiétude s’insinue en moi, une impression d’étrangeté qui me perturbe. Saisissant mon sac je m’élance en direction du tram, j’ai hâte de rentrer. Je me dirige vers l’escalier au fond de l’esplanade pour atteindre mon arrêt mais l’accès en est bouché par un tas de gravats. Je décide de contourner l’obstacle en passant par le petit square jouxtant la cathédrale. Ce vieux quartier a gardé son charme moyenâgeux mais aussi de vieux pavés sur lesquels je me tords les pieds. J’arrive auprès des douves du château, l’obscurité grandissante m’empêche de bien voir le jardin en contrebas, j’ai l’impression que le petit plan d’eau qui serpente au fond entre les massifs de fleurs est bien plus important qu’en plein jour, sans doute une sorte d’illusion d’optique. Plus que quelques pas et je vais pouvoir longer la ligne de tram jusqu’à ma station. Je m’arrête interdite, aucune ligne de tram mais une immense barrière d’eau : la Loire coule au pied des remparts comme au temps de la duchesse Anne ! Mon esprit se brouille, j’ai peur, je ne vois pas le trou dans le pavage de la route et je tombe lourdement…

Je suis au pied du banc, j’ai glissé et les affaires de mon sac sont éparpillées autour de moi. Je ressemble à une pocharde avinée. Deux jeunes filles papotent tout en faisant leur jogging et me regardent avec dégoût.

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