Je savais … Je savais que le jour viendrait où je serais abandonnée. Je décelais déjà de tous petits indices qui me laissaient imaginer le pire.
Mon maître, un homme de bonne compagnie, petite moustache bien taillée, montre à gousset, ne me quittait pas. Bien cachée dans la poche de son gilet, j’étais heureuse, moi, petite tabatière en buis. Je participais à tous les moments de sa vie un peu mondaine. Il me remplissait chaque matin de tabac blond, lissait doucement mon bois.
Il commençait à me sortir moins fréquemment, puis à m’oublier … enfin me délaisser …
Je vous parle aujourd’hui du fond d’un tiroir de son secrétaire où je suis triste depuis des mois. J’ai bien peur de ne plus jamais en sortir. Il avait décidé d’arrêter de fumer. Je l’ai même entendu dire que pour sa santé … enfin, je n’ai pas tout compris. Mais je garde un égoïste espoir.
Je rêve de ma vie d’avant faite de sorties, de promenades dans les bois, de dîners, de concerts. Peut-être, un jour, il craquerait ? …
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Cette tabatière m a émue comme un être vivant!