L’impossible a dit son dernier mot.

Dans cette pièce morne, ce lieu gris, je cherche la vie.
J’entends crier, un bruit perçant, glacial. Jamais je n’oublierai ce froid sonore vibrant au tréfonds de mon âme. Chaque parcelle de mon corps pétrifiée, je m’efforce de réactiver mon mental, de revenir à l’ici et maintenant. Si je bouge, je m’expose au pire. Si j’occulte, je vis – mais combien de temps ? Peut-on réellement être dans la vie sans accepter la mort ?

Le médecin légiste, tel un automate, procède à l’analyse, de l’autre côté.

Mon corps hurle ma plaie ouverte, mon sang glaçant. La vie s’effondre en moi, je ne suis pas prête. L’est-on, un jour ? Je sais déjà. La certitude a dépassé ma conscience : ELLE N’EST PLUS. Celle qui m’a portée, celle qui m’a aimée. Qui m’a tenu la main. Celle qui méritait d’être choyée telle une Reine, La Reine – et que les hommes n’ont pas su aimer, lâches et centrés sur eux, parce qu’il faut briller pour exister. Faire du bruit pour être entendu. Discrète, dans l’ombre, attentive aux besoins du quotidien, sa présence constante, en délicats pointillés, était la forteresse de chacun. Le rimailleur de vie, celui qui par ses apparences croit impressionner, n’était que vacuité face à la lumière de cette mère. Légère comme l’air, profonde et riche, aimante et réceptive – une Reine intérieure, sans froufrous ni grands effets.

Le médecin légiste, en expert, s’active.

Ce cri, encore, me ramène à cette violence : ELLE N’EST PLUS. C’est mon âme qui hurle, qui perce, qui affole mes ailes. L’impossible a dit son dernier mot. Si je ne l’entends pas, je rate son envolée. Ma voix viscérale l’accompagne alors vers les cieux. Puisqu’elle m’a accueillie ici-bas, je la guide tout là-haut pour ce grand voyage. À mon tour de glisser dans sa main l’affection dont elle a besoin, d’entourer son cœur de tout mon soutien. Entre la vie et la mort, je me tiens.

Le médecin légiste, professionnel, atteste.

Je la sens, tout près de moi. Ma voix s’apaise, mon cœur se calme. Mon corps tournoie et vacille, les au revoir s’éternisent. Le subtil fil s’amenuise, me quitte. Non. Oui. Encore. C’est la fin. De quoi ? Je m’effondre pour me relever. Elle a fini de vivre, ici.

Le médecin légiste m’appelle.

L’absurdité m’éveille au réel. Pourquoi consulter, rechercher l’approbation d’autrui pour un projet déjà bien arrêté ? Le pourquoi ne la ramènera pas. Seule ma source intérieure la ressuscitera. La Reine, ma mère, cette grande femme. Là. Brille. En moi.

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