– Maman ! Je vais danser à la fête de l’école dans un ballet. Je serai en tutu et j’aurai mes pointes…
Voilà, je venais à peine de récupérer ma fille Betty, 6 ans, toutes ses dents et de l’énergie à revendre, à la sortie des classes. Le sourire aux lèvres, je savais déjà que notre soirée serait consacrée aux babillages incessants de ma poupée brune aux yeux vert émeraude.
– Super ma poupette ! Tu vas être adorable. J’ai hâte de te voir.
– Mais d’abord, je dois m’entraîner très fort, c’est la maîtresse qui l’a dit !
– Ho ! Vu la motivation que tu as, je suis sûre que tu vas y parvenir.
– Oui ! Dès qu’on arrive à la maison, je vais faire des exercices de sauts et de grands écarts en tenue. Tu veux bien maman ? Dis Ouiiii s’il te plaît !
– Pas de problème, tu as jusqu’à l’heure du souper.
Ouf ! Pendant qu’elle allait s’entraîner, je ne l’aurais pas dans les pattes pour finir de lui préparer sa surprise pour son anniversaire, qui par un heureux hasard allait tomber le lendemain de la fête de son école.

2 heures plus tard :

J’étais dans la salle à manger en train de dresser la table, ma petite Betty me tournant autour en tenue de danseuse étoile, quand mon mari Loris et notre fils Adelin rentrèrent de leur journée après le cours de karaté.
– Papa regarde ! Je suis une ballerine et je vais danser pour la fin de l’année scolaire au théâtre municipal.
– Ho ! Mais quelle jolie princesse que voilà ! Vient mon cœur que je te fasse un gros câlin pour te féliciter.
– Haha ! Tu parles d’une princesse, déguisée comme ça, on dirait plutôt un saucisson.
Miam-miam, je vais te manger, ironisa Adelin le frère aîné de 10 ans en mimant un ogre.
– Ouin ! Arrête ! C’est pas vrai, je suis pas un saucisson !
– Si ! Tu es toute grosse là-dedans et on dirait un bon salami ! Haha ! continua le vilain garnement.
– Ça suffit maintenant, Adelin ! tu es en train de faire pleurer ta sœur. Ce n’est pas gentil ce que tu lui déclares.
– Mais sincèrement quoi ! regarde-la ! elle est toute ronde, elle ne fait que bouffer des bonbons et des gâteaux…
– Tais-toi ! Va dans ta chambre, je t’y rejoins pour t’expliquer quelque chose, mais avant excuse toi auprès de ta sœur.
– Hum ! Hum ! Bon ! Betty, pardon, je ne pensais pas ce que je disais. Voilà !
– T’es vilain ! Je t’aime plus.
La pauvrette pleurait à chaudes larmes et son papa essayait de la bercer doucement pour la calmer.
– Ne fais pas attention, mon bébé, tu es belle à croquer. Ton frère t’a fait une blague.
– C’est pas vrai ! Ouin ! Je suis moche ! Même à l’école, on se moque de moi !
– Comment ça, on se fiche de toi ?
– Ouin ! On me traite de grosse cochonne, d’éléphant, d’énorme vache et et… un hoquet de larmes et de morve l’empêcha de continuer sa phrase.
Pauvre chou, elle venait de libérer son cœur. Le cri du désespoir affola la mère hyper protectrice que j’étais. Je devais gérer cette histoire le plus vite possible. Je n’allais pas laisser tomber l’affaire qui était grave. Priorité, consoler ma fille ; ensuite, prendre rendez-vous avec la maîtresse pour demain.

Le lendemain matin :

– Bonjour Mlle BIGOUDIS ! J’aimerais m’entretenir avec vous sur un sujet préoccupant qui concerne Betty.
– Ah bon ? répondit l’ingénue en se tenant à son chignon de peur de le perdre.
– Si vous pouvez entre midi et 13 h 30 ?
– Ma foi, si cela ne prend pas trop de temps disons 13 h ;
– Parfait ! À tout à l’heure.

Récréation de 10 h :

– T’es qu’un gros caca boudin !
– Tu pourras jamais rentrer dans un tutu !
– Tu es grasse comme une caille !
– Ha ! ha ! hou ! L’énorme dinde farcie !
– Ouin ! Ouin ! C’est pas vrai, je suis pas grosse !!! C’est mon papa qui me l’a dit !
– Ton père a besoin de lunettes !
– Ha ! ha ! ha ! ha !
C’était à qui pouvait chahuter le plus, cette proie prise dans les rets d’une horde de gosses devenus cruels juste par plaisir…
– Les enfants ! Les enfants ! Qu’est-ce qui se passe encore ?
– C’est Betty ! On la veut pas pour danser avec nous dans le ballet !
– Et pourquoi ?
– Elle est grosse et moche ! Elle va tout gâcher !
– Je sais qu’elle est un peu « rembourrée », mais ce n’est pas de ma faute si elle doit participer à la fête. C’est aussi une élève de l’école.
– Mais nous, on veut pas d’elle !
– Moi, je vais demander à mon père qu’il lui interdit de venir, dit Marie-Antoinette de son air important, en tant que fille de préfet.
– De toute façon, c’est elle ou nous !
– Je vois, le choix est limité ! Il va falloir que je trouve une autre solution pour elle donc !
Bon, en attendant que je réfléchisse à une idée, rentrons en classe. Betty, arrête de pleurer pour rien !
Cette scène ubuesque me sera confiée bien trop tard par ma pauvre Betty lors de son effondrement.

Bureau de Mlle BIGOUDIS 13 h :

– Voilà, hier soir Betty a fait une crise de larmes et nous a avouée que ses camarades se moquaient d’elle ou plus exactement de son embonpoint !
– Hum ! Je vois, j’ai effectivement repris 1 ou 2 fois quelques enfants, mais ils ont été punis et je peux vous garantir que cela ne se reproduira plus, me dit-elle en rougissant comme une pivoine.
– J’espère bien et je compte sur vous pour être plus vigilante à l’avenir pour éviter de traumatiser ma fille !
Je ne sais pas pourquoi, mais je trouvais que son discours sonnait faux. Malheureusement, je ne pouvais pas faire grand-chose de plus, elle avait avoué, donc mon bonbon rose ne mentait pas.
– Bien entendu ! N’ayez aucune crainte Madame Winston, je veille sur Betty.
– Merci ! Car elle est tellement heureuse de danser dans le ballet de la fête de fin d’année.
– Hum ! Je suis au courant, hélas, je dois vous laisser, c’est l’heure de la reprise. Au revoir !

17 h sortie des classes même jour :

– Alors ma chérie, ta journée, s’est bien passée ? Vous avez commencé les répétitions ?
– NON !
– Tu boudes ? Qu’est-ce que tu as mon amour ? Tu sais, j’ai été voir ta maîtresse ce midi, pour lui rappeler que les autres élèves n’avaient pas le droit de se moquer de toi. Elle m’a garanti que cela ne se reproduirait plus ! Allez, fais-moi un sourire.
– T’es sûre qu’ils vont plus me faire pleurer ?
– OUI ! Ils ont recommencé ?
– Un peu ce matin…
– C’était avant que je n’aille m’expliquer avec ton institutrice, mais maintenant, tout va bien se passer. Et s’ils t’embêtent encore, tu me le diras d’accord ?
– Oui maman…
Sa petite voix me brisa le cœur, car je n’étais pas convaincue par son enthousiasme.
– Allez ! Pour te consoler, on va acheter des bonbons et ensuite, tu me montreras les progrès que tu as faits comme petit rat de l’opéra !
Un clin d’œil et une grande rigolade finirent par lui enlever sa chape de tristesse.
– D’accord, je prends les roses à la fraise alors.
Enfin un minuscule sourire apparu au bord de ses lèvres !

3 jours plus tard, école primaire :

– Les enfants du calme, on va répéter en silence la 1ère scène « la marche ».
Betty, viens me voir. J’ai décidé de changer un peu l’organisation finalement. Tu ne danseras pas avec tes copines. Je vais te donner une responsabilité très importante. Elle consiste à expliquer l’histoire du ballet de « Casse-Noisette ». C’est génial non ?
– Non ! Moi, je voulais danser en tutu ! Ouin ! Ouin ! Ouin !
– Mais arrête de pleurer comme une grosse bécasse ! C’est un premier rôle que je t’offre bon sang !
– Ouin ! Ouin ! Ouin ! Je veux être en tutuuuu…
– Hou ! Que tu m’agaces ! Bon d’accord ! Tu souhaites porter un tutu ? Eh bien, tu t’habilleras avec un rose au lieu du blanc comme les autres, pour faire la différence ! Tu ressembleras à une… (truie, pensait-elle) grosse chose informe, mais tant pis pour toi !
Ha ! haha ! Betty la cochonne… commençaient à scander en chœur les mômes hilares, alors qu’au même moment, la pitchounette pleurait à fendre l’âme retranchée dans un coin.
– Ça suffit ! C’est quoi ce bazar ! Melle BIGOUDIS ? Si vous n’arrivez pas à gérer votre classe, je vais vous y aider moi !
L’intervention de la directrice allait peut-être sauver la pauvre fillette éplorée.
– Excusez-moi, Madame, mais je suis en train de revoir l’organisation du spectacle pour que Betty puisse enfin être sur le devant de la scène ! Or, il semble que cela ne lui convienne pas.
– Betty ! Voyons mon enfant, sois raisonnable pour une fois ! Qu’est-ce qui ne te fait pas plaisir ?
– Moi, je veux danser en tutu blanc comme tout le monde ! Ouin !

– Pardonnez-moi, Madame la Directrice, je viens de lui dire qu’elle pourra figurer en tutu pour faire l’introduction du ballet de Tchaïkovski « Casse-Noisette », elle n’a pas l’air de le comprendre !
– Betty ! Tu vois, tu pourras apparaître en tutu. Affaire classée ! MAINTENANT, JE NE VEUX PLUS ENTENDRE DE BRUIT ! Et vous ! Melle BIGOUDIS, débrouillez-vous pour que la famille ne provoque pas d’histoire inutile. Vous avez déjà eu le préfet, le père de Marie-Antoinette si je ne m’abuse, simple avertissement !
– Bien entendu Madame ! Je n’ai pas encore eu le temps de bien tout lui expliquer, mais vous pouvez compter sur moi, il n’y aura plus de soucis.
– Bon, je vous laisse terminer.
– Betty ! vient ici petite garce ! Je vais te préciser ton rôle et je t’interdis de pleurer.

Quelques heures plus tard :

– Betty ? Betty ? Mais où peut-elle bien être ? C’est vraiment bizarre qu’elle ne soit pas dans sa chambre en train de danser !
Je commençais à fouiller chaque pièce à l’étage, même la salle de bain et les w.c., mais rien ! Tout en continuant à l’appeler, je me dirigeais vers le rez-de-chaussée passant en revue tous les endroits où ma fille aurait pu se cacher. Je descendis aussi à la cave. Il me restait à explorer le jardin maintenant. En allant vers les balançoires, je finis enfin par la trouver éplorée dans un coin, habillée de son tutu…
– Alors ma chérie, tu ne t’entraînes plus aujourd’hui ?
– Non !
– Pourquoi ? Tu es fatiguée ?
– Non !
– Qu’est-ce que tu fais dehors toute seule comme cela ? Raconte-moi ce qui ne va pas ma poupée.
– Rien !
– Comment ça rien ? Je vois bien mon ange que quelque chose te tracasse. Explique-moi ce que c’est s’il te plaît. Je me fais du souci et cela me rend triste de te découvrir malheureuse.
– Mais je peux rien te dire !
– Ha ! Voilà autre chose ! C’est un secret ?
– Non, mais la maîtresse a dit qu’il fallait rien dire jusqu’à la fête.
– Hum ! Je trouve qu’il y a beaucoup de mystère autour de cette chorégraphie. Mais ce dont je m’aperçois, c’est que cela te rend triste et que tu ne t’entraînes plus à danser.
– C’est parce que c’est une surprise !
– OK ! Si tu ne souhaites rien me dire, je n’insiste pas. Mais j’aimerais bien maintenant que tu rentres, car Papa et Adelin ne vont pas tarder et je désirerais revoir un visage plein de gaieté qui les accueille. Tu veux bien ?
– Oui, si tu veux ! dit-elle en se levant pour revenir dans la maison.

Le lendemain matin, école primaire :

– Bonjour Melle BIGOUDIS ! Je pourrais m’entretenir 2 minutes avec vous ?
– Heu ! Oui… Dit-elle en rougissant.
– Voilà ! Hier, j’ai trouvé Betty complètement déprimée. De plus, chaque jour, elle partait comme une fusée dans sa chambre s’entraîner à danser et là, plus rien ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
– Cela tient aux petites améliorations que j’ai dû apporter concernant l’organisation du ballet. J’allais vous en parler ce soir justement. Car il faudrait lui procurer un tutu rose et non blanc maintenant. Elle va annoncer et expliquer l’histoire du ballet de « Casse-Noisette ». Voyez-vous c’est un rôle capital et je compte sur sa mémoire pour se rappeler du texte qu’elle devra réciter. Vous allez être fière d’elle, croyez-moi !
– Je n’en doute pas, mais je ne comprends pas pourquoi cet ajustement ne lui fait pas plaisir ?
– Ho ! Vous savez les enfants quand ils ont une idée en tête, c’est dur de leur faire changer d’avis. D’ailleurs, je vais solliciter votre aide pour effectuer l’apprentissage de son texte par cœur, car il nous reste très peu de temps maintenant avant la dernière grande répétition.
– Oui effectivement ! Je suppose que je l’aurai ce soir dans le cahier de liaison.
– Bien entendu ! Et encore merci de votre compréhension. Bonne journée,
Le retour à la maison fut des plus silencieux, car mon ange boudait sur son siège auto. Il fallait que je creuse un peu plus toute cette histoire. Lui faire réciter son texte me fournissait la plus belle des opportunités pour la faire parler. Nous nous installâmes dans sa chambre pour commencer l’élocution. Mais mon petit bout de chou avait perdu son entrain.
– Tu sais Betty, c’est un rôle important que ta maîtresse t’a confié, qu’est-ce qui ne va pas ?
– Moi, je voulais danser tout simplement et pas raconter une histoire debout sur une chaise !
– Mais ? Mais tu ne vas pas valser en tutu ?
– Non ! me répondit-elle avec les larmes au coin des yeux.
– Alors pourquoi Melle BIGOUDIS m’a demandé de t’acheter un tutu rose ?
– C’est pour pas être comme les autres en blanc. Je rentre juste en faisant des petits pas chassés pour monter sur cette chaise et c’est tout ! Personne ne m’aime et elles ne veulent pas que je danse avec elles.
Et là, ce fut le gros déluge de larmes contenu depuis trop longtemps qui s’échappa.
Elle me retraça les horreurs qu’elle avait subies ces derniers jours et les menaces de sa maîtresse si elle avait le malheur de nous raconter tout cela.
Quelle douleur ! Ce désespoir que j’ai pu ressentir au travers de ses sanglots !
Quelle cruauté la vie inflige trop tôt à ce minuscule être tremblant du haut de ses six ans, alors qu’elle n’était que gaieté, joie et insouciance !
Après avoir fabriqué une prison d’amour avec mes bras, dans laquelle elle est venue se réconforter, je me suis fait la promesse que cette première blessure deviendrait son armure pour l’aider à affronter ce monde si dur. Que peuvent faire ces petits minots qui ne rentrent pas dans le moule de la « normalité » ? Je devais trouver les justes paroles pour en faire une guerrière plutôt qu’une pauvre proie.
Tout en lui séchant ses larmes, j’essayais de lui insuffler un souffle de battante.
– Oui, bon, j’imagine le tableau ! Je reconnais que cela n’a aucun rapport avec la chorégraphie que tu me montrais tous les soirs. Mais ma puce, il faut voir le bon côté des choses. D’une part, tu seras l’unique élève sur scène, et pendant un moment tous les regards seront dirigés vers toi exclusivement. En plus, tu seras l’exceptionnelle ballerine en rose ! Les autres seront toutes pareilles, on ne fera pas de différence, alors que toi, tu vas être la vedette de la soirée !
– Non ! C’est pas vrai ! La star, c’est Marie-Antoinette, elle réalise le solo dans la « danse de la fée dragée ».
– Peut-être, mais toi, ma chérie, tu monopoliseras la scène toute seule et dès le début ! C’est pour cela que c’est très important de bien connaître ton texte et prouver à tout le monde que ce soir-là, la reine, ce sera toi ! On va aller t’acheter le plus beau tutu rose qui existe et crois-moi, tu vas être éblouissante !

« L’étincelle de l’espoir,
Nourrit le feu de la persévérance,
Celui-ci est alimenté par un souffle de petites victoires,
Pour terminer en réussite, qui n’était pourtant pas gagnée d’avance. »

 

Soirée de gala de l’école :

– Les garçons, surtout vous filmez, et vous prenez des photos hein, je compte sur vous ! Car des coulisses, je ne pourrai pas avoir la même vision que de la salle.
– Mais oui chérie, file vite rejoindre Betty qui doit t’attendre avec impatience pour s’habiller.
– OK, je fonce dans les vestiaires, croisons les doigts !
– Alors ma poupette, pas trop le trac ?
– Non, ça va, je connais mon texte par cœur, tu le sais bien. Et comme tu me l’as dit, je vais leur montrer de quoi je suis capable !
– Bien parlé mon amour !
– Au secours ! aie ! aie ! aie ! Ouin ! Ouin ! Ouin !
– Mais qu’est-ce qu’il se passe ?
– Horreur ! C’est Marie-Antoinette, elle vient de se fouler la cheville ! C’est la catastrophe ! Elle tenait le rôle de la meneuse du ballet et devait faire un solo ! Le spectacle est foutu ! s’écria la maîtresse complètement effondrée.
Après une petite période d’affolement, je regardais ma Betty Boop et je me dirigeai vers son institutrice.
– Peut-être pas ! Ma fille connaît tous les mouvements par cœur, elle s’est entraînée tout le temps en secret en rêvant qu’un jour, elle pourrait interpréter ce rôle. C’est votre seule chance de sauver votre spectacle.
– Vous croyez ? Bah ! Foutu pour foutu ! Pourquoi pas ! Au pire, on aura un ballet comique qui fera rire les gens !
– Ha ! Ça suffit maintenant ! Cessez de cracher votre venin de vipère sinon nous partons ! Et puis, je ne voulais pas porter plainte contre vous, avant la fin de cette soirée, si importante pour ma fille, mais là, je vais me faire un plaisir de vous voir démissionner.
– Heu ! Non ! Attendez ! Restez ! Je vous en supplie !
– D’abord, veuillez faire des excuses à ma fille ! Nous réglerons nos comptes plus tard !
– Heu ! Oui !
Elle ne faisait plus la fière la BIGOUDIS, moi, je jubilais et ma fille allait avoir sa petite revanche !
– Betty, je te demande pardon, excuse-moi si j’ai pu te blesser. Voilà…
– Bon, si je peux aller danser maintenant, ça me va !
– Merci Betty ! Tu rentres comme c’était prévu devant pour faire la narration de l’histoire de « Casse-Noisette » puis le rideau va s’ouvrir doucement avec la musique et c’est toi qui prends le relais. Tu vas chercher tes camarades pour entamer « la marche » puis tu enchaîneras « la fée dragée ». Tu crois que tu vas y arriver ?
– OUI ! Je serai un bonbon rose au milieu des dragées blanches.
Allez en piste !
Et là, sous les applaudissements, après avoir capté toute l’attention du public en expliquant la légende du ballet de sa belle voix, elle ferma les yeux et partit s’envoler vers son voyage enchanté.
Ce n’était plus un éléphant rose qui virevoltait, c’était un ange, une fée éthérée. La pesanteur n’existait plus dans son monde. Elle était dans sa bulle et elle envoûtait toute la salle. Les gens avaient des frissons, de la magie plein les regards.
Au travers de mes larmes, je voyais ma fille rayonner de bonheur ! Quelle sacrée revanche !
Par le miracle de sa volonté et de son courage, cette petite gamine de six ans qui avait un corps grotesque aux yeux de ses camarades, avait réussi l’exploit de faire tomber les apparences. De son envolée lyrique, on ne retiendrait que l’image d’un oiseau jouant avec les lois de la gravité.
La salle était debout pour applaudir mon bébé, et moi, je pleurais de joie. Que j’étais fière d’elle !
Demain, on fêterait son anniversaire, mais aujourd’hui elle venait de recevoir son plus beau cadeau.

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