Le petit crachin, qui rafraichissait agréablement l’atmosphère d’une fin de journée étouffante, venait de se muer en pluie soutenue et tenace. La chevauchée de Mirlem ne présentait plus le même attrait qu’à son départ de l’écurie. Sa monture trempée pataugeait désormais dans une soupe boueuse, risquant à tout moment une dangereuse glissade. Le lac de Beaubourg et la forêt voisine constituaient un exceptionnel terrain de balades équestres, un très léger vallonnement mettait en valeur la végétation tout à la fois exubérante et maitrisée, fruit du travail expert des jardiniers du domaine. Mirlem connaissait bien les lieux, les savait calmes et dépeuplés, ce qui par beau temps l’enchantait. Cependant à l’instant il regrettait de ne pouvoir y trouver un refuge, le temps de laisser passer le plus dur de l’averse. C’est pourquoi la découverte d’une petite habitation, au sein d’une clairière masquée par un rideau d’arbres, le surprit tout autant qu’elle l’enchanta.

Vivement descendu de cheval, il se dirigea vers la maisonnette gardée par un étrange chien empaillé aux crocs menaçants. Stationnée à proximité, une antique roulotte de camelot prête à partir était ornée d’une inscription en lettres gothiques : Wumme, ichtyotaxidermiste. La porte entrebâillée invitait à entrer sans plus attendre ; cependant, prudent et courtois, Mirlem frappa quelques coups de sa cravache pour s’annoncer. Aucune réponse ne lui parvint ; la pluie redoublant d’intensité, il osa passer le seuil et s’arrêta tout aussitôt, stupéfait de sa découverte. La pièce dans laquelle il venait de pénétrer lui paraissait curieusement vaste en regard de ce que l’extérieur pouvait suggérer. Du sol au plafond, les murs étaient couverts d’étagères exposant une foule de poissons naturalisés. Mirlem eut l’impression d’entrer dans un aquarium vidé de son eau, où poisson-licorne et barracuda dansaient une sarabande immobile.
« Cheval et cocher pour mon attelage, voilà une providentielle averse qui me livre à domicile » énonça une profonde voix de basse, ébranlant les murs de la demeure et la tranquillité du cavalier naufragé.

4
0
L'auteur-trice aimerait avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x