Bien sûr, j’aimerais gagner ma croûte… Cette formule n’est guère plus élégante que sa cousine, « gagner sa vie ». Mais gagner quoi, en fait ? Le droit d’avoir un logement, de quoi manger, circuler, respirer ? Finalement, « la croûte » se révèle être une formule assez adaptée : il s’agit de se constituer une solide cuirasse qui résistera à l’épreuve de la société et un outil pour y louvoyer.

Je lui ai dit, de but en blanc, que je ne n’accepterai rien de lui. Ni argent ni attention. Je ne veux être ni le passager clandestin de ma propre vie, ni un esclave des temps modernes. L’éloquent politique séduit les foules, mais ne trompe pas un homme de cœur. Plus jamais je ne confierai la moindre parcelle de ma liberté à ce scélérat. Certes, il fut autrefois mon sauveur, mais je crois que nous trouvions tous deux un intérêt à cela : il profitait de ma gloire, j’utilisais son réseau. Aujourd’hui, c’est différent. Les enjeux sont autres. Sous aucun prétexte je ne relayerai sa propagande, quitte à renoncer au peu qu’il me reste.

La peur est un puissant levier pour asservir les peuples. Les décideurs le savent bien. Par crainte de perdre un peu de ce que l’on possède – la vie, un être aimé, un confort matériel sécurisant, une reconnaissance – l’être humain est enclin à se faire manipuler. Une fois le crime commis, le déni prend le relai : se rendre compte d’avoir été dupé est bien trop déroutant, réaliser que l’on a mis en danger ou participé est de loin trop violent. La ruse du diable a bien fonctionné : vous êtes persuadé qu’il n’existe pas. Mais vous êtes seul à porter votre croix.

J’ai beau être un jockey pauvre et fatigué, je garderai mon cap. L’honnête misère plutôt que l’abondance usurpée.

Contraintes : Gagner sa croûte/De but en blanc/L’éloquent/Le jockey/Le passager clandestin

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