Tic toc tic toc : les roues crantées de l’horloge avancent inlassablement. Aujourd’hui, l’arrivée de la retraite a sonné pour Nicolas dans un carillon assourdissant. Le temps, sa plus belle richesse désormais, doit s’arrêter et lui permettre de réaliser les projets envisagés durant une vie de travail acharné. La possibilité de concrétiser ses vœux s’ouvre alors à lui. Plus de soucis financiers, plus de contraintes de logistiques, plus de pression : la liberté sans condition garantie !

Le regard fixé vers l’avenir, l’homme sent les rouages huilés de son corps se mettre en mouvement : son cerveau bouillonne, calcule, organise toutes les idées qui emplissent sa tête de soleil. Il va pouvoir enfin effectuer un voyage avec sa femme au Québec, participer au prochain marathon après une préparation intensive, partager des moments précieux avec sa petite fille, apprendre à jouer au bridge avec l’association locale, tant de sujets chers à son cœur.

Un sourire de satisfaction se dessine sur son visage ridé : il est prêt devant la ligne de départ pour ces aventures. Un délicieux frisson de plaisir parcourt sa nuque.

Dans un bruit terrifiant de grincements métalliques, imposés par son état de robot, Nicolas parvient à avancer un pied en direction de la porte. Au deuxième pas, le pignon de roue de son genou menace de quitter son emplacement. Tout son être vacille telle la flamme d’une bougie allumée. Le retraité stabilise son corps en s’appuyant contre le mur. Les images affligeantes de la vieillesse défilent alors devant ses yeux. Son cœur refuse cette fatalité inéluctable. Au fond de sa gorge, la dent d’un petit engrenage le chatouille. Sur son nez le ressort menace de quitter son barillet : l’homme éternue bruyamment.

Déséquilibré par ce simple geste, l’esprit embrumé de tristesse, Nicolas n’a pas le temps de réagir : Il tombe à terre dans un fracas épouvantable.

Automate formaté par la société, tu as dû vivre. Marionnette articulée durant ta jeunesse qui s’est sacrifiée au profit de ton ambition. Robot à la carcasse rouillée, englouti par le poids des années, te voilà anéanti en un instant sans avoir pu réaliser tes rêves !

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