Chère Mutti,
Je t’écris cette lettre, car je suis révolté ! Te voilà bâillonnée par tes propres principes, tes valeurs morales qui te privent de cette pulsion salutaire : tu ne peux répondre à tes accusateurs, faute, non de maîtriser leur langue venimeuse, mais de te l’autoriser.
Eh bien soit ! Je tâcherai de le faire pour toi, sans ton accord – que tu me refuserais de toute façon -, mais avec, je te le promets, la plus grande application à ne jamais tomber dans l’excès. Au moins j’essaierai…
Vois-tu, je ne suis même pas Allemand. De quoi me mêlé-je !? Eh bien justement, je me mêle de vouloir défendre cet héritage dont, selon moi, tu devrais avec vigueur revendiquer la maternité, quitte à déroger un peu à tes règles morales…
Cet héritage, il est européen au sens où l’Europe est une communauté humaine avant que d’être économique. Avant même le Traité de Rome ! Il est européen au sens où Napoléon n’a pas décidé de la Campagne de Russie, mais qu’elle était inscrite dans l’Histoire comme le disait Tolstoï.
Européen, il l’est encore davantage quand tu nous montres, quand tu nous révèles – quand tu révèles aux Allemands eux-mêmes -, leur sublime générosité ! Tu en fais un Peuple, je crois…
Européen, cet héritage l’est enfin, quand il se fait l’archétype de la modestie qu’impose toute vraie Démocratie, fût-elle funestement “représentative”, et que tu t’effaces, avec suprême délicatesse de la scène politique mondiale. Je t’avoue que là, tu me donnes du fil à retordre sur mes propres convictions…
Quoi, il y aurait donc contradiction ? La Démocratie pourrait être “représentative” ?! Je réponds : non. Malgré toi, malgré ton exemple sublime. Et tout le Monde me donne raison, hélas… Regarde autour de toi. Et regarde aussi, ces “rides de l’amer” que je partage avec toi…
J’ai récemment écrit un poème qui tentait de montrer l’amour, “main dans la main”. Toi, Mutti, tu as mille fois prouvé que l’amour dominait – quand il acceptait le “second rôle”, c’est dire de ne pas dominer… -, tu as mille fois prouvé qu’alors, l’amour, dominait.
Mais bien sûr, dans le titre arrive Sisyphe… Dans l’introduction, la révolte ! Dans la “mise en bouche”, mon athéisme – politique et spirituel – latent. Et bientôt, nos différences ? Je devrais donc te critiquer, te “croquer” ? Et pourquoi pas, comme les ânes (remarque ma modération…), te juger ? Te condamner et t’insulter !?…
Mutti, ton nom s’écrira dans l’Histoire, à tant de titres, qu’il serait bien péremptoire de les citer ici. Mais l’Histoire, peut-être, ne se résume après tout, qu’à “L’Anneau du Nibelung” ? Et alors, qu’as-tu vraiment fait ? Et que n’as-tu pas fait, que tu aurais pu faire ?
Je n’ai pas la réponse, mais je sais qu’il faut te dire : merci !
Et continuer de questionner…
assez curieusement je me suis demandée lors de la première lecture ce qui pouvait justifier cet ode à Mutti ! j’ai d’abord pensé à une nécrologie, ( une sorte de ..) .Ensuite Sisyphe m’a interpellée. Et j’avoue avoir du mal à comprendre le lien entre les deux, certes il y a chez Sisyphe de la révolte contre les Dieux, mais il y a aussi l’aspect travailleur de l’inutile, conscience de l’absurdité de la vie, entre autre du coup votre texte me laisse perplexe. Est-ce à cause de la montée des extrêmes droites en Allemagne, et de ” la nécessité” pour le partie d’ Angela Merkel de s’allier ?
Merci de votre commentaire @payette, et merci surtout de votre critique.
Après relecture, je comprends votre perplexité. Ce texte est à la fois très précis, et très allusif. Un peu comme s’il présupposait une connaissance fine du parcours d’Angela Merkel, et de sa personnalité. Je m’approprie les deux pour construire mon discours.
Or, lui, ce discours, est insidieusement militant pour la démocratie directe. (Oh, bien sûr, je lui interdis bien de paraître comme tel sur l’Algo, car l’Algo est un site littéraire…)
Il en résulte cet “essai”, apparemment non transformé, puisque non partagé.
J’avais un peu mieux réussi avec “La Mezzoni” dans le même registre. C’était plus facile, car il s’agissait de l’inverse : dire du mal du personnage ! C’était plus poétique aussi, l’inspiration n’est pas là tous les jours…
Quant à la relation de Merkel à Sisyphe, ce sont “les rides de l’amertume” qui l’expliquent, et c’est Wagner qui finira, probablement, par les effacer (avec l’Anneau du Nibelung, et notamment l’Or du Rhin).
J’avoue aussi, que – certes sur un autre plan -, je trouve à “Mutti” des qualités d’âme qui me rappellent Germaine Tillion, ou Marguerite Yourcenar. Autrement dit : je suis un peu amoureux d’elle – aussi ! (sourire)
>Ce n’étais pas une critique ! j’ai juste fait par de ma perplexité ? Mélanger Sisyphe, Merkel, et Wagner enfin le Ring était osé il faut l’avouer. Mais pour moi leurs chemins sont différents, mais je suis sans doute trop imprégnée des mythologies comme vous avez pu le constater ! autre point mes amours ne vont pas à Merkel enfin pas totalement ! 🙂 mais ceci est une autre histoire !!