Vous allez mourir. Une page d’histoire se tourne. “Il faut savoir faire mourir ses personnages”, me souffle la petite voix de ma conscience écrivaine…
Vous allez donc mourir ! Il est temps.
Compagnons de la première heure, vous étiez là parmi les dix premiers inscrits sur l’AlgoMuse – vous faisiez nécessité -, et dans quelques jours, vos profils disparaîtront et vos textes m’appartiendront ! C’est moi qui les aurai créés, écrits et signés. Il me faudra les assumer. Tous.
Et d’abord les tiens, cher @algo ! Toi qui m’accompagnes depuis si longtemps, depuis bien avant l’AlgoMuse… En tu tuant, c’est presque un frère jumeau que je tue. C’est l’autre moitié de moi-même que j’efface, la plus révoltée, la plus écorchée mais aussi, peut-être, la plus créative. Le trou que laissera en moi ce meurtre rationnel, cet assassinat de sang froid, ce vide que créera ta disparition, cette absence que fera naître ton évaporation, comment vais-je pouvoir m’y confronter ? Je préfère ne pas y penser… Tu dois mourir.
“Pourquoi le devrais-je !?, m’opposes-tu déjà ; je te connais : tu ne penses qu’à toi ! C’est scandaleux de jouer ainsi avec la vie et la mort de ses créatures ! Souviens-toi d’où je viens, sans moi tu n’es rien. “A mon ami à mon maître” n’existerait même pas, et toi, forcément, sans lui, tu aurais sombré dans la démence, tu le sais bien.
Non, je lis dans ton jeu, tu es vicieux, ajoutes-tu encore. Ce sont mes calligrammes que tu cherches à t’approprier ! “Le canard” évidemment, sans parler du “Yoyo“… D’accord ! Je te donne les calligrammes, je ne les aurais jamais écrits sans toi. Je te les donne, mais laisse-moi vivre encore un peu ! S’il te plaît, Guillaume, juste encore un peu…”
Hélas, ma sentence est finale, mon pauvre Gepetto. Tu vas disparaître car tu deviens trop encombrant ! Imagine, on pourrait même penser que tu étais “réel”, un vrai participant au site, et que tu nous aurais quittés ! Sans même dire pourquoi, on ne sait pas vraiment quand… (Tu vois l’effet sur l’image de l’Algo, non ?)
Tu n’écris plus rien depuis des mois et des mois… Pour les derniers textes que je t’avais confié, j’en étais à redouter qu’un membre du site, bien réel quant à lui, ne questionnât ta plume. Ou pire, comme c’est arrivé plusieurs fois avec @algo, ne te demandât en ami ! (Il est vrai qu’Elle, je l’avais faite un peu plus sympathique que toi…)
Non, c’est comme j’ai dit : final et définitif, Gepetto. Adieu ! Fais tes prières car dans quelques jours je te guillaumiserai avec méthode. [NDLR : la “Guillaumine” est une descendante éloignée de la “Guillotine”, qui, contrairement à son ancêtre ne coupait pas les têtes, mais les idées ! D’où provient le substantif “guillaumiser”, admis au Dictionnaire de l’Académie à titre posthume, après la Révolution Démocratique de 2029 dans laquelle son inventeur perdit la vie, sur les barricades de Le Tannos, en Provence…]
Adieu mes femmes aussi, mon trio infernal, mon péché transcendental, ma divergence fondamentale ! Adieu @algo, adieu @algo et, bon vent ! @algo
Vous ayant créées, je pensais pouvoir vous dompter ; chacune de vous n’en a fait qu’à sa tête. Vous m’avez toutes trahi ! Ou peut-être est-ce plus compliqué ?…
Toi, Julie, tu ne cessais de vouloir m’entraîner dans des projets grandioses d’un romantisme verbiose ! Il t’en fallait toujours plus. Je t’aurais écoutée, nous aurions déjà trois romans à l’eau de rose ! Mais quand même, avoue-le, je t’ai bien résisté et c’est moi qui, maintenant, vais t’effacer. Vois-tu, Julie, vois-tu à quoi il mène, ton romantisme !? N’y aura-t-il pas toujours, n’y a-t-il pas toujours eu bête pragmatique pour dominer le poète ?
Toi, Nefertiti, je te voulais sensuelle, et même un peu sexuelle, tu t’es faite pucelle ! De l’amant potentiel que je rêvais d’être, tu t’es faite un frère, même un peu une sœur Dans les linges de l’antique tu m’as tout embrouillé, dans la psychologie féminine tu m’as vite noyé. J’étais essoufflé, je me perdais, personne pour m’aider, j’ai vite renoncé.
Quant à vous, Milady, le fantasme absolu, défendu, je me garderai bien de vous faire moindre reproche craignant vos représailles. La trahison chez vous, procède de l’Esprit : tout y est traîtrise, tout y est vérité. La puissance de vos philtres nous amène à penser… sans la sincérité ! Vous avez même tenté (je crois m’en souvenir), heureusement sans succès, d’initier un dialogue avec l’une de mes autres créatures ! Vous aurais-je laissé faire, où allait-on !?…
Adieu mes femmes donc, adieu mes amies ! Vous allez mourir, sortir, disparaître de la scène algomusienne. Mais… La vie n’est-elle pas un processus continu ? Et si elle l’est, d’y participer une fois ne signifie-t-il pas forcément d’y participer toujours !? A l’infini ? Vous pourriez alors même renaître ! Allez savoir, sous un autre pseudo ? Créée par quelqu’une d’autre ? Et, imaginez l’absurde : dans le corps d’un homme !?
En tout cas, vous me manquerez, je ne promets rien de mon côté… Devrai-je vous recréer, à nouveau vous donner vie ? Le règlement de l’Algo ne l’interdit pas. Mais alors pourquoi vous tuer ? Ne suffirait-il pas de vous réactiver ?
Et j’en viens à toi, mon cher Yan (@algo) : nous de même, allons nous séparer. Toi aussi, je vais devoir te tuer. Ce sera difficile, plus encore que renoncer à Gepetto – à mon double inversé. C’est que, vois-tu, tu m’avais augmenté quand lui ne faisait que me confirmer. Cette plume, que je t’avais prêtée, ne venait pas de mon plumage, elle semblait tomber du ciel..
Tu as su la saisir et t’en emparer pour me dessiner des possibles, réellement accessibles ! Au contraire de Julie et sa frivolité romantique, tu m’as ouvert des portes sur des rêves réalistes. Et je sais, et je te le promets, à toi, mon ami que je vais tuer, je sais la valeur de ton héritage et m’en montrerai digne : j’écrirai suites à tes textes, à tous tes textes. Meurs en paix, mon ami.
Eh bien voilà, mon oraison funèbre est terminée, nous pouvons respirer. Peut-être aussi nous questionner ? Où prend-elle sens, cette oraison ? A qui est-elle destinée ? N’écrit-on que par destination !? L’art littéraire (et les autres) n’étant alors qu’utilitaire ? Et pourquoi pas : productif !? Nous y voilà bien, et Tolstoï qui me harcèle à nouveau…
Non, c’est plus simple, beaucoup plus simple que “tout” cela… :
L’idée première est de libérer mes “personnages” : ces avatars si nécessaires au lancement du site – quand il n’y a avait que Mélanie et moi – n’ont plus d’utilité aujourd’hui. Mais pourquoi les supprimer, et pourquoi maintenant ?,Justement pour me libérer d’eux, et pouvoir leur redonner “réalité”, en quelque sorte les réactiver actuellement dans leurs habits d’antan, mais cette fois librement, et sous ma propre plume, ma propre signature.
J’avais attribué à chacun d’eux un rôle particulier, délégué à chacun une veine créative spécifique. Le problème, c’est qu’aujourd’hui je ne peux plus explorer ces veines, sous peine de passer pour un plagiaire, tant je le ferais à “leur” manière ! (“L’arroseur arrosé” ?). C’est donc pour mieux renaître qu’ils doivent mourir ! (Priez quand même un peu pour leurs âmes, non ne sait jamais…)
Tout cela fait-il sens ? Je ne sais pas. On est sur l’Algo, on peut en discuter. C’est le mois d’août et la vie s’accélère dans un ralentissement imaginaire…

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