J’entends la pluie battre les vitres. Comme toujours, la nuit m’angoisse et le besoin de dormir est contrecarré par la peur du sommeil, de la perte de contrôle, de la sensation que tout pourrait arriver, même le pire. Je lutte et je finis par m’ennuyer. Il n’y a pas de volets dans cette maison étrangère. On entend les petites explosions des gouttes d’eau jetées par le vent sur les fenêtres mais aussi d’autres bruits à l’extérieur… Un petit bip… bip bip bip avec des modulations dans le son, de plus en plus recherchées, de plus en plus agréables… Le chant de crapauds ! Comment penser que ces petites bêtes que l’imaginaire collectif rangent dans les plus inesthétiques aient un si beau chant. Je me concentre sur leur musique… j’oublie de lutter, la musique me berce. La lumière d’un réverbère éclaire à peine la vitre… Un crapaud s’y est aggripé ! Un autre arrive… Ils me regardent de leurs yeux globuleux. Ils se regardent et… ce n’est plus un chant que j’entends mais… des mots ! J’entends des mots venant de la bouche de ces crapauds !
“Regarde, quelqu’un qui ne dort pas la nuit !
– Tu crois que c’est une princesse ?
– La princesse au petit pois, celle qui est si délicate qu’elle ne peut pas dormir sinon sur un matelas parfaitement confortable ?
– Peut-être mais les princesses ne sont-elles pas merveilleusement belles ?
– Tu as raison, elle ne peut pas être princesse, on peut rester sans crainte, elle ne nous fera rien, elle regarde juste et elle n’a pas l’air de nous trouver si laids que ça. On dirait qu’elle appréciait même notre chant, on s’y remet ?
– Pourquoi pas, elle, ça peut la consoler de ne pas être princesse puisqu’apparamment chez les humains ça peut être un drame… Nous, ça peut nous aider à nous faire apprivoiser, malgré le dégoût que nous inspirons d’habitude à ces êtres étranges, sans risquer de devenir l’un d’eux par un baiser mal placé… Puiqu’elle n’est pas princesse !

J’entends des bips-bips et la pluie contre la vitre. J’ouvre les yeux. Je me suis assoupie quelques minutes… enfin. Je suis un peu étourdie… Les bips bips composent une jolie mélodie, plutôt lointaine. Le réverbère devant la maison éclaire la vitre où explosent des milliers de gouttes d’eau. Je ne vois sur cette vitre que les dessins qu’elles font après l’explosion. A un endroit, on dirait des traces de pattes… Je ne sais plus si j’ai vraiment dormi ou non. Je sais que je ne suis pas une princesse et que c’est bien ainsi.

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