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Jour 267. Comme d’habitude, il fait noir. L’obscurité fait partie de mon quotidien et de mémoire, je ne crois pas avoir connu ou exploré un autre lieu que l’endroit où je me trouve actuellement. A certains moments, j’entends le moteur se mettre en marche, il crépite, s’éteint puis, avec force et détermination, finit par s’enclencher. Ce sont les moments que je préfère car, enfin, mes autres sens s’éveillent ; j’entends la musique qui sort de la vieille radio, je sens la chaleur qui parvient du moteur, tout comme les vibrations et les secousses lorsque la voiture s’aventure sur des chemins non banalisés. Je me laisse bercer par les sons country provenant de la radio ainsi que par les nids de poule qui parsèment la route lorsque tout à coup, un bruit semblable à un explosion retentit, suivi d’un freinage brusque qui me propulse au fond du coffre. La voiture s’immobilise. « Merde, fait chier ! », jure le conducteur. J’entends ensuite une portière claquer, puis un bruit de pas et de gravillons.

« Bordel, c’est pas vrai ! », s’exclame la même voix que tout à l’heure. Son ton laisse transparaitre un mélange de colère et d’angoisse. Une autre secousse se fait sentir et je ne comprendrai qu’ensuite qu’il s’agissait d’un coup de pied orienté contre le pneu arrière gauche, pas loin d’où je me situais. Je ne comprends pas ce qu’il se passe, jamais je n’avais été confronté à pareille situation. Jusqu’à présent, ma vie était d’un ennui, d’une banalité déprimante ; je dormais, j’hibernais lorsque la voiture était au garage et je me réveillais lorsque j’entendais et sentais le moteur s’activer. Depuis 267 jours, rien n’était venu troubler cette routine. Mais aujourd’hui, c’est différent. J’entends l’homme marmonner et s’agiter nerveusement sans saisir ce qu’il dit. Soudain, une lumière vive et chaude vient m’aveugler et une paire de mains vient m’afférer sans délicatesse pour me laisser tomber ensuite avec le même tact sur le sol caillouteux. Je suis perplexe, mon cœur bat la chamade. Où suis-je ? Qu’est-ce que je fais là ? L’air est lourd et une odeur de caoutchouc brûlé règne dans l’air. Et là, c’est le choc. A ma droite, usé, plat, avec un trou béant se trouve celui que je suis destiné à remplacer. Le pneu arrière gauche a crevé, explosé après avoir été chauffé sur les routes brûlantes et caniculaires. L’homme me saisit et me fixe à l’endroit resté vacant. La tête me tourne à force d’avoir été retourné à plusieurs reprises et les petites pierres qui se sont coincées dans mes sillons m’incommodent déjà. Enfin, l’homme se relève, plutôt satisfait de son travail. Il s’en retourne vers l’habitacle, referme la portière et démarre. Le véhicule entreprend de se mouvoir et je comprends que ma nouvelle vie commence.

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