AlgoZimage du 15 nov. 2023

Tiens, et si je relevais soudain les yeux? Vous seriez peut-être surpris. Vous pourriez voir au-delà d’une image d’Épinal, d’apparence si lisse et sage. Mais…le pourriez-vous, voir dans mes yeux, voir au-delà d’un reflet froid sur la chevelure, des plis du chemisier? 
D’ailleurs, avez-vous remarqué les défauts de mon image parfaite ? Non? Mes mains par exemple, vous n’avez pas vu ma pauvre main gauche, la position bizarre de mon index droit? 
Regardez mieux. Et maintenant, imaginez, je lève les yeux vers vous et ce n’est pas ce que vous auriez cru. Vous verriez peut-être l’ombre d’une enfant seule, qui mentait souvent pour embellir ou s’inventer des amis, des aventures, un petit roman personnel. 
Et ce cahier blanc devant elle, ne pourrait-il pas être noir de mots? D’une écriture trop rapide, pointue, presqu’illisible? Vous pourriez y lire les épisodes plus inquiétants, plus tristes, les crises où la jeune fille s’empiffre et s’en veut, puis va transpirer. Ou alors, le contraire. Pas de nourriture. Autophagie. 
Non, ridicule ! Couru d’avance ! Toujours ces clichés pseudo-psy. Pourquoi serais-je ou trop sage avec des mains anormales, ou perturbée avec des troubles de l’alimentation?
Je ne pourrais pas être un genre d’Hannibal Lecter? Et si j’étais en train de relater dans mon journal comment j’ai trouvé un tuto pour miniaturiser les têtes de mes victimes, qui seraient…des mecs que je n’aime pas. Dont je trouve le comportement inadmissible, c’est ça. Ça laisse beaucoup de place à l’interprétation. 
Je crois que je vais suivre cette piste intéressante. Ou un mix des deux. Une image d’Épinal perturbée qui souffre de ses mains, avec des démons intérieurs (sinon, c’est nul), mais qui peut se révéler dangereuse. Et efficace. Mais touchante, aussi. Je pense que je tiens mon personnage. Et vous remarquerez que je n’ai toujours pas levé les yeux vers vous. 
Vous pouvez donc continuer de me voir comme une jeune fille lisse, enfermée dans sa petite tour d’ivoire, de lumière douce et de plantes vertes soignées avec amour…une pépiniériste, une fleuriste. Il n’y a pas de mal à ça. Au contraire, même. Ça m’arrange peut-être.
«C’est une jeune fille qui écrit cher journal, aujourd’hui j’ai rendu visite à des personnes âgées pour leur faire la lecture ».
D’ailleurs, le reste, ce sont vos projections sur moi. Et « ça ne m’appartient pas », comme dit l’expression à la mode. (Qu’est-ce qui m’appartient, en fait?).
Et vous pouvez ignorer mes mains imparfaites. 
Mais moi, je ne les aime pas. Et si je levais les yeux…