Point de Vêpres ce soir sous la voûte de pierre aucun écho ne nous enivrera : le chantre n’est pas là . Il aurait pourtant du sous la bure passer devant le maître autel et s’asseoir à sa place tout en bout de travée mais il a oublié, à moins qu’il n’ait trop bu de ce vin si exquis qu’on servit à midi pour parer l’ordinaire d’un peu d’or et d’un rai de lumière . C’était un vin si doux, un vin paillé, doré, moelleux, glissant sous le palais avec un goût de miel, un goût de tentation suave et sirupeux, un goût irrésistible …Foin de prières sans fin qui le fatiguent, à la fin ! Foin de génuflexions , ses pauvres genoux le font tant souffrir ! Foin de musique divine sous les voûtes de pierre qui renvoient en volutes lourdes et pathétiques les notes que sa voix de haute-contre distillait jadis sans qu’il en revint voûté , vieux, avachi aujourd’hui . Chantre tu ne veux plus ,  chantre, tu ne peux plus  ? Des murs de sa cellule mille murmures confus du chantre paresseux gourmandent la révolte . La bouteille volée  de ce vin de velours gît dans un coin obscur de ces pierres millénaires.

Quand je vins le chercher afin qu’il soit là-haut morigéné, par le vieux père abbé, il me suivit sans résistance . Partout où nous passions, devant chaque cellule, les geôliers interdits le regardaient, béats . En eux le prisonnier rêvait de s’évader, mais en eux les quelques gouttes de ce nectar divin n’avaient rien éveillé d’autre que la culpabilité, en eux susurrait sans répit un geôlier sobre et sévère , du haut de son calvaire . Et ils baissaient tristement la tête en refermant le rideau lourd et noir de leur cellule .

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