— Une seule goutte ? Vous êtes sûre ?
          — Vous voulez m’apprendre mon métier, peut-être ?! s’agaça la mixologue.
         
La dernière cliente du jour, une demoiselle d’à peine une vingtaine d’années, était enquiquinante et tenait, depuis bien trop longtemps, la jambe à une Astrid dont la patience commençait à atteindre ses ultimes limites. Elle était irritée au plus haut point.
         
— N… Non… bien sûr… se risqua l’autre. Mais au prix de la potion, je préfère ne pas la gaspiller…
         
— Dîtes aussi que je vous vole, tant que vous y êtes !?
         
L’inventeuse définitivement pas d’humeur, abattit ses mains sur le comptoir.
         
— Si vous n’êtes pas contente, allez donc voir ce charlatan de Gurshnol… Ce crapaud saura probablement vous satisfaire avec une potion bas de gamme et bon marché ! La qualité, ça se paie, mademoiselle ! Soit vous alignez, soit vous vous tirez !
         
De ses trois bras accusateurs, Astrid désigna un écriteau en bois, suspendu juste au-dessus de l’entrée de la khaïma. Les mêmes mots qu’elle venait de prononcer y était inscrits en lettres capitales.
         
— Donc on fait quoi, ma p’tite dame ?
         
— Je… Je…
         
La jeune femme tremblante, n’osait plus broncher. Elle déglutit difficilement et on entendit presque sa salive rebondir au fond de son estomac noué.
         
— Je la prend ! finit-elle par lâcher.
         
— A la bonne heure ! Donc, comme je le disais : pas plus d’une goutte à la fois. Cette version de la Felix Felicis est un peu corsée… Rien à voir avec celle de cette mauviette de Gurshnol. Il la dilue tellement que ça vous oblige à avaler le flacon entier.
         
La mixologue cracha au sol, comme si son confrère ennemi se trouvait devant elle.
         
— Faites ça avec la mienne et je vous assure que vous regretterez bien vite d’avoir de la chance plus d’une journée complète… Certains ont déjà essayé et je peux vous dire qu’ils ont eu de sacrés problèmes !
         
Cette fois, la bicentenaire, pointait une photographie dans un cadre doré au bas duquel était écrit « Imbécile du siècle ». La cliente jeta un coup d’œil sur l’homme qui souriait béatement et dont le visage en était si déformé qu’on aurait dit qu’il allait se déchirer en deux, au niveau des lèvres.
         
— Croyez-moi, vous ne voulez pas subir le même sort que ce con de Régis.
         
Nouvelle déglutition difficile du côté de la chalande qui sursauta quand…
         
— Bien !! s’exclama Astrid. Laissez-moi recompter…
         
La marchande réfléchit mentalement.
          — Ҫa fera 1500 Unités ! Vous souhaitez régler comment ? Je prends que les pièces sonnantes et trébuchantes. J’accepte les Tributs Républicains, les Dirhams Stellari mais certainement pas l’Armazican Express et SURTOUT, la maison ne fait pas crédit…
         
Quelques secondes plus tard, Astrid fit claquer son tiroir-caisse et adressa un au revoir de la main.
         
— Merci de votre aimable visite ! A très bientôt.
         
Ensuite, faisant sonner la petite clochette, juste à côté, elle beugla :
         
— Yévis !! Prépare-moi une nouvelle fournée de potion contre la syphilis… Je viens de refourguer la dernière à une débile ! Et magne !
         
Sortant de l’arrière-boutique, le Khajiit interrogea.
         
— Mais maître… Je croyais qu’elle voulait une potion de fortune, non ?
         
— Oui baaah… Elle aura déjà la chance de jamais chopper de syphilis, c’est pas si mal, non ? Elle m’a gonflé avec toutes ses questions à la con, aussi ! Et puis… vois le bon côté des choses, elle va revenir et ça, c’est très bon pour le business !
         
L’espace d’un instant, l’homme-lynx crut voir le symbole de monnaie Ogorienne dans les yeux de son mentor… Astrid était certes une mixologue hors pair, mais si vous lui cherchiez trop de noises, elle pouvait vous jouer de fameux tours…

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