Dans le petit village de Xephuthe la vie était calme et paisible, chacun menait son existence sur la voie de l’entente et de la solidarité. Chacun exerçait son métier avec passion et ardeur, chacun mangeait à sa faim en cultivant son champ de blé ou les légumes de son potager. Or, cet été-là, le soleil avait asséché la terre et les mottes de terre s’étaient durcies empêchant les patates douces et les épis de maïs de s’épanouir, la pluie avait abandonné le village de Xephuthe et était allée ailleurs faire son office. Pour ajouter au désarroi des villageois, une invasion de sauterelles géantes s’abattit sur les cultures ravageant en un couple d’heures tous les espoirs et le labeur des habitants.
   Le village de Xephuthe n’était plus que désolation et souffrance. Beaucoup de villageois décidèrent de prendre le chemin de l’exode emmenant leur unique vache ou la mule qui les porterait vers leur destinée. La buandière et sa fille ne purent suivre le flot des villageois en exil. Elles étaient trop pauvres, ne possédant même pas la soude et le battoir qui leur permettaient d’exercer leur métier. Elles perdirent leur emploi lorsque le village se vida. Elles glanèrent sur les terres alentour une graine, un épi, un tubercule oublié.
   Or un jour, se présentèrent à leur porte une douzaine de sauterelles minuscules, leurs ailes ajourées étaient serties de pierres précieuses qui brillaient avec éclat sous la poudre d’or du soleil. Elles réclamèrent quelques graines pour se sustenter après un long voyage. Elles surgissaient après le passage dévastateur des grandes sauterelles et rencontraient, dans chaque hameau traversé, hostilité et jets de pierres. Émues par leur histoire, la buandière et sa fille qui avaient bon cœur, partagèrent leur dernier sac de graines.
   Au fur et à mesure qu’elles se nourrissaient les sauterelles prenaient un aspect humain et bientôt, la buandière et sa fille se retrouvèrent face à une douzaine de jeunes demoiselles jolies et joyeuses comme l’eau d’un ruisseau au printemps. Elles racontèrent que le sort jeté par le chef des sauterelles géantes les avait transformées en insectes. Seules les graines offertes par des villageois pourraient conjurer le sort. Elles s’étaient opposées avec force et conviction au passage des sauterelles dans leur village et avaient été punies.
   Pour remercier leurs hôtes de leur générosité, elles sortirent d’une petite boîte mystérieuse une poudre de wonocy qu’elles répandirent sur les champs et les jardins du village de Xephuthe.
   À partir de ce jour, la buandière et sa fille récoltèrent de beaux légumes bien sains et des céréales en quantité suffisante pour elles deux ; elles en offrirent aussi à tous les visiteurs affamés qui traversèrent leur village.

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