Batterie de cuisine

L’avant-veille de notre crémaillère depuis longtemps programmée, l’hallucinante nouvelle est tombée.

J’ai d’abord cru, hilare, à un superbe canular, tant l’info m’avait paru louche, mais il fallait se rendre à l’évidence, c’était la vérité.

Le boss de l’Élysée, le regard bleu courroucé, de sa voix de métal glacé venait de lancer ce communiqué: la vente d’ustensiles de cuisson – qu’ils soient de cuivre, d’inox ou de laiton – est désormais prohibée, ainsi que celle des couverts, leurs fidèles alliés.

Sous un très bref délai, moins de quarante-huit heures, tous les logis français – métropolitains comme ultra-marins – seront perquisitionnés et ce maudit matériel semeur de querelle dûment confisqué.

C’est qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère, le grand patron! Il doit traîner lui-même de sacrées casseroles pour nous adresser la parole de cette façon!

Il a même tenu également à ajouter – comme si ce n’était pas assez – sur un ton sec et cinglant, tranchant comme lame de couteau nouveau, que pour s’assurer qu’aucun citoyen moyen ne pourrait loi quarante-neuf trois transgresser, seule l’alimentation surgelée puis micro-ondée serait autorisée dans nos humbles foyers.

J’en viens donc, bien sûr, à m’interroger sur le déroulement futur de notre conviviale soirée qui, sans abondance de cuisine familialement mijotée, risque de s’avérer par trop arrosée.

Mais ma pensée ne cesse de retourner vers le chef suprême des armées, me demandant comment il va pouvoir annoncer à tous les braves soldats lambda que partir au combat ou encore défiler sur “des gamelles-melles-melles, des bidons-dons-dons, des gamelles et des bidons” (leur air préféré) ne sera plus jamais toléré.

“Gââârrrde à vous! Fixe-fixe-FIXE!”