La chaîne de la porte interdit l’entrée de chez nous à mon frère. Derrière lui, des créatures de l’ombre le poursuivent les mains armées. Le visage et le souffle coupés, il tape sur la planche verticale du salut. On lui ouvre, il s’en fallut de peu. Il échappa à son destin tragique une fois encore.

Son père, qui se tenait à la fenêtre, vient à son secours mais l’ado le repousse de toutes ses forces. Pour lui, ce géniteur fait partie de cette meute enhardie par la certitude que son sacrifice rétablira l’équilibre.

Il court à la salle de bain laissant derrière lui des gouttes rouges tombées de son visage. Il regarde devant sans s’apercevoir que ses petits frères sont apeurés. Ils retournent devant la télé en priant pour le retour de leur déesse. Elle, saura quoi faire.

Une porte se ferme. En un bruit assourdissant, l’appartement se remplit de silence. Les gorges, les corps, les voix se taisent pour laisser la place aux maux dénués de sens.

La porte d’entrée s’ouvre et sa mère apparaît. Elle observe attentivement le sol clairsemé de traces rouges laissées par son enfant. Les autres rejetons la fixent les larmes aux yeux. Elle brise le silence et exige de savoir. On lui répond d’aller voir l’aîné. Elle suit les indices en courant. D’autres traces rouges. La porte de la salle de bain était restée entrebâillée et la lumière allumée. Étrange…

Elle aperçoit le lavabo rosi par la gauche tentative de ce fils qui avait voulu taire le malheur.

Elle entre dans sa chambre. Il ne se retourne pas. Le sang continue de couler sur ses livres.

Paniquée, son verbe devient haut et les larmes coulent sur toute la maison, sauf sur le visage de mon frère. Il devait tenir.

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