Nous avançâmes vers le centre de la salle où nous nous arrêtâmes un instant. Sans me lâcher le bras, elle balaya notre environnement d’un regard circulaire, tout en continuant : “Les tables carrées, à deux ou quatre places, ou même celle-ci, à huit places, sont les tables de jeu. On peut jouer à tout ici, même au poker figurez-vous. Les matériels sont dans cette armoire que vous voyez là-bas, et sont libres d’accès. Cependant, un point du règlement interdit d’y mêler l’argent. L’argent n’existe pas au Château.
Les tables rondes, quant à elles, sont plutôt pour la convivialité, les discussions. Là encore, rien n’est interdit, on peut parler de tout, sous les seules réserves de respecter le règlement en matière de codes couleurs, justement, et de fair-play, évidemment. Nous ne sommes pas au café de la gare : aucune voix ne saurait en couvrir une autre, ici.
Pour les codes couleurs, et comment ils s’appliquent au Club, je vais juste vous donner les fondamentaux ; le professeur Hartherzig, qui vous recevra demain matin, vous en expliquera la théorie plus en détails. Donc, en simplifiant, disons que c’est un jeu ! Un jeu de “cache-cache” en l’occurrence. Certains de nos “guests” sont verts ; l’écrasante majorité en vérité puisqu’on parle de cent-quatre-vingt-quatorze sur deux cents. D’autres, non pas une minorité mais une élite, sont rouges. Ils sont, maintenant… six !, avec vous, cher Maurice ; car vous êtes “rouge” !
La règle du jeu est la suivante : aucun membre vert ne doit jamais questionner un membre rouge sur son passé, quand, à l’inverse, un membre rouge doit pouvoir tout dire du passé de tout membre vert. Je sais que vous comprenez déjà les difficultés et les enjeux cachés dans cette règle simple, ajouta-t-elle en inclinant légèrement son visage souriant, comme pour chercher mon regard.”
Sans attendre ma réponse, elle m’entraîna vers le fond de la salle dont toute la largeur, d’au moins douze ou quinze mètres, était occupée par un bar monumental fait de bois nobles vernis, et dont la facture “british” se renforçait par des publicités anciennes pour des bières et des whiskies d’outre Manche.
Nous le longeâmes tranquillement, à mi chemin elle s’arrêta, lâcha mon bras, me regarda, dramatisa quelque chose d’impossible à mettre en mots, et quelque part, me supplia : “L’alcool aussi est bien permis. L’ivresse n’est pas admise. Tout est vert, ou rouge. Nous n’avons pas d’orange… Il n’y a qu’une sanction, et c’est l’exclusion.”

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