« Cette année, j’ai fait Compostelle » : voilà la phrase que ce dandy de boite de nuit voulait chuchoter à qui voudrait l’entendre à son retour. Narrer les détails de cette activité originale (dans son milieu !) et très « tendance » le ferait sans nul doute briller en société.

Les motivations qui conduisaient les pèlerins à prendre la route étaient très variables et plus ou moins avouées. Celles de notre prince de la nuit n’étaient ni la dévotion, ni la randonnée sportive. Son but était de faire des rencontres féminines qui changeraient de ces belles trop faciles à séduire pour ce bourreau des cœurs. Il rêvait de courtiser quelque Jeannette égarée ou Catherinette esseulée : Une expérience exotique en quelque sorte !

Personne! Rien que des groupes joyeux dans lequel il lui fut impossible de s’intégrer, malgré quelques malheureuses tentatives !

Chemins faisant et ampoules aux pieds, il commençait réellement à regretter son choix de vacances. Devant lui un homme marchait lentement, solitaire, courbé par son lourd sac à dos, la coquille St Jacques pendue à son cou et ses lourds brodequins boueux. Il avait l’allure d’un ermite sorti de sa cabane pour accomplir son vœu : aller jusqu’à Compostelle. Il psalmodiait des phrases incompréhensibles pour notre prince de la nuit des quartiers chics.

Le jeune homme tenta d’amorcer une conversation, histoire d’oublier la monotonie de son parcours. Il n’eut pour réponse que quelques monosyllabes courtoises qui lui signifiaient à l’évidence que cette route n’avait pas pour vocation à recevoir des considérations de salon. Mais il insista.

– Peut-être pouvons-nous faire un bout de chemin ensemble pour passer le temps ?

– vous ne comprenez donc pas, jeune homme, que nous ne sommes pas à mettre dans le même sac !

Le dandy, bredouille de toute histoire croustillante pour le retour, prit aussitôt la route pour la gare la plus proche. L’année prochaine, il ira comme d’habitude au Club.

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