Chapitre 24 – La grande joute

Résidents, visiteurs, amis, personnel… En tout une bonne quarantaine de personnes de tous les âges se tenaient le dimanche suivant sur la terrasse de Moulinsart. Ils étaient prêts à se prêter au jeu de cette petite dame fantasque qui mettait de la vie et surtout beaucoup de désordre dans le calme habituel de la résidence. 

– Les règles sont simples, commence Sidonie, en  maitresse de cérémonie:

Vous avez devant vous deux grands canapés qui se font face. Considérez qu’il s’agit de deux camps adverses: les jeunes d’un côté, les plus âgés de l’autre.

Bien naturellement les plus jeunes comme les résidents trouvèrent leur canapé respectif.
Quelques uns ne sachant pas bien où ils étaient sensés se situer cherchaient, un peu gênés, dans le regard fuyant des autres, ce qu’ils en pensaient .
La partie commençait. Sidonie exultait.

– Chaque camp doit poser une question au camps adverse. Lorsque la réponse est jugée satisfaisante par l’équipe questionnante, un membre de l’équipe est nommé pour rejoindre  le troisième canapé en zone franche.  
Si à l’issue de cette joute verbale, plus de la moitié des équipes est sur le troisième canapé, alors nous pourrons dire que nous avons fait sauté la frontière des âges.

 Les conversations allaient bon train entre les deux canapés. Mais elles pouvaient vite tourner à une partie de ping-pong  sans balle gagnante:

« Canapé A 
-Le plus difficile dans la vieillesse  c’est lorsqu’on se sait vieux. Or, on ne se sait vieux, que lorsque l’on se sent vieux. 
-Ou quand on nous le dit… ajoute un octogénaire plutôt alerte.

Canapé B 
– Évidemment si on te le dit , du coup tu le sais

Canapé A 
– Oui sauf que si on te le dit, alors que tu ne l’es pas… , du coup tu le deviens! 

Canapé B 
– Mais si tu le deviens, c’est qu’on a bien fait de te le dire pour que tu le saches… En fait,  c’est de l’anticipation, ajoute un jeune malin.

Canapé A
– Ou du sabotage de moral!  dit l’autre »

Un jeune visiteur se décide à couper la conversation qui tournait au langage de sourds, pour  tenter une question à destination du canapé des séniors:
-Selon vous, quel défaut le jeune a t’il que le plus âgé n’a pas?

Violette:
-aucun

Eugène:
– Je crois que ce que Violette veut dire, c’est que les vieux ont tous les défauts de la jeunesse!

Le jeune homme reprend, amusant la galerie par son air dépité: 
– Du coup… je ne vois pas l’intérêt d’être plus âgé!  A moins que… reprend t’il: Quelle qualité le jeune n’a pas que le vieux a, lui?

La  douce « Suzanne Flon » prend la parole: 
– Les jeunes n’ont plus la notion de romantisme. Il veulent tout tout de suite. Ils veulent de la rentabilité.

Violette:
– C’est vrai. 

Suzanne reprend:
-C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ne viennent pas nous visiter. Ils ne nous trouvent pas rentables.

Eugène:
-Moi je la trouve rentable violette!

Suzanne moqueuse:
– Oui mais toi t’es vieux Eugène!

Emilie, Jeune et  jolie aide-soignante appréciée par tous les résidents observe Eugène et Violette et Suzanne avec émotion:

– C’est pas le jeune qui n’est pas romantique , c’est la société qui ne laisse plus de place au romantisme. Je crois que vous n’imaginez pas, vous qui avez vécu les années folles!  Vous autres les seniors, vous réagissez en « enfants gâtés », et pourtant c’est nous, les jeunes, qui sommes  jugés comme tels.

Eugene regarde ses camarades du canapé des seniors en se demandant de quelles années folles tous ces dinosaures étaient sortis…De folles années,  sans doute… 50, 68, 80, 90 … même 2000   mais les années folles!  Ils étaient tous encore bien trop jeunes pour les avoir vécues …

Précédemment dans «  la fleur de l’âge »😉: https://algomuse.fr/la-fleur-de-lage-chap1-ma-pie/

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