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Nous venions juste de naître, ma jumelle et moi, dans une petite fabrique du Bel Paese, qu’on nous emballa soigneusement dans une boîte de carton vert. À peine si nous eûmes le temps de lire la belle inscription dorée à l’or fin sur son couvercle, “Alfredo TAVARDI”, et l’on nous trimballait déjà, par toutes sortes de moyens, d’un endroit à un autre. Nous comprimes vite que c’était notre destin d’être ainsi bringuebalées, tout enserrées dans des espaces confinés, plus souvent que portées à l’air libre.

Nous sommes, en effet, “de grandes voyageuses” ! Nos voisines d’étagère, dans le dressing, nous jalousent… Elles sortent plus souvent, mais voyagent peu. Rares, bien rares sont celles qui ont jamais quitté Milan. C’est ce qui les rend envieuses, car il leur faut imaginer la somptuosité des lieux que nous leur contons… Or, comme chacun sait, il n’est de pire maîtresse que l’imagination ! Laissez la vous gouverner, vous en ferez votre bourreau. Et nous en profitons…

Mais c’est bien faible compensation, à l’aune de la morne routine qu’est en réalité notre vie. Oh, certes, nous avons foulé les tapis les plus épais et les plus doux ; nous avons glissé sur les parquets les mieux cirés ; on nous a même sorties, par soirée de gala, au restaurant de l’Orient Express… Nous connaissons Paris, et New York, et Baden Baden aussi. Enfin, c’est ce que nous leur disons, mais en vérité, une malédiction nous a frappées avant même que d’être nées : on ne nous porte qu’avec jupons ! Et c’est là tout notre horizon…

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