Mon plus jeune frère ne me laisse aucun choix. Son opinion l’aveugle, la mienne me fige. Son cœur est serré, le mien est meurtri. A-t-il seulement conscience seulement que je vis en zone sinistrée ? Mon monde est minimal et il n’existe aucun lieu pour afficher l’opulence.

            Sa mémoire s’empresse de fantasmer sur un passé chimérique car il tient à sa réalité organisée sans voir les lignes qui bougent. Pourtant, elles sont là, il s’en approche et puis s’en éloigne aussitôt. Il les saisit parfois pour en démêler les nœuds. Et il se débat tel un torero dans l’arène. Ses vêtements saillants et pittoresques le persuadent que les cornes de la vie ne l’atteindront pas et qu’il survivra à ses assauts.

            Aussi naïve que lui, je m’habille de mes cornes pour me protéger de son épée rectiligne et impitoyable. Il voit pourtant que je suis dans l’arène pour faire face au public avide de sang. Ils veulent la mise à mort du taureau qui s’est bien battu. Ils veulent ériger en héros le torero qui les rassure. La bête sera toujours à sa merci.

            Aujourd’hui, l’arène se remplit de spectateurs qui ont appris leur chorégraphie. Ils poussent des « Oh » lorsque le taureau charge et encore d’autres « Oh » lorsque le torero échappe à la tragédie de peu. Déterminée, la bête se tient face au torero et regarde le public avec insolence. Aujourd’hui, il ne mourra pas. Aujourd’hui, il vivra pour montrer qu’il ne suffit que d’une seule fois.

            Il a vu trop de ses compagnons mourir de médiocrité. Il tiendra pour les autres, même s’il doit mourir pour cela. Sa vie est futile de toute manière. Alors quitte à s’éteindre, autant le faire avec panache. Torero et taureau s’épuisent dans la même corrida. Dommage que l’un d’eux doivent céder. Dommage.

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