J’incarne mille vies. Les âmes me traversent mais ne restent jamais. Telle une comédienne, je prends mon rôle à cœur. J’entre en résonance avec l’esprit qui m’habite un temps. Vous croyez cela drôle ? Vous vous trompez. Essentiel ? Je vous l’accorde. J’accueille les révoltés, les fâchés, les âmes à la dérive, les blessés ou les malmenés. Les accusés par facilité, les criminels parfois. Les emmêlés à la souffrance. Les innocents condamnés, trop souvent.

Se laisser tenter de faire porter à l’autre ce qui nous appartient, détourner le regard des responsabilités, se cacher derrière l’épais rideau de la cécité : désigner la cause de tous les maux, c’est tellement plus aisé que de s’élever. Ainsi, pour ces pleutres raisons me voilà choisie, je suis l’ultime espoir, la piste de survie : la poupée Vaudou.

Dans la main de celui qui me tient pourtant, j’étouffe. Il pense que je vais le sauver. Si je n’ai pas les mots pour le contrarier, j’encaisse sa rancune et purge sa peine. Lui a l’impression que je suis justicier, que ce qui est semé sera récolté, grâce à la magie noire du grand sorcier.

Je ne fais que filtrer malveillance et détresse. J’exhorte celui qui me porte à se délester de sa hargne ou du pesant chagrin. L’intention criminelle peut-elle être louable ? Jamais je ne me prêterai à de telles finalités. Mon dessein est ainsi : je dupe celui qui croit en moi, pour le meilleur et jamais pour le pire. J’infiltre sa pensée pour le libérer. C’est la seule réalité qui compte : diffuser la lumière sur les ombres au tableau. Ce secret bien gardé garantit mon efficacité.

Rendre parfait ce qui dépend de nous, et prendre les autres choses comme elles viennent. Cette direction n’est-elle pas la clé d’une heureuse vie ?

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