Temps d’escargot

Pas une goutte de pluie ne ternissait le tableau de cette fin d’été. Et pour tout vous dire, ce n’était pas la fête pour ces pauvres escargots ! Planqués depuis des semaines, écoutilles bien closes, ils commençaient à étouffer dans leurs coquilles et à s’engourdir des antennes.
Pendant ce temps, les libellules continuaient leur représentation savamment composée d’élégants ballets tantôt langoureux , tantôt plus modernes, plus rythmés avec accélérations, piqués et rase-mottes sur l’eau, au risque de se faire gober par une grenouille. Ces demoiselles infatigables ne se lassaient pas de se faire admirer, coquettes insouciantes des dangers. Les papillons, parfois, leur servaient de simples figurants car elles tenaient à conserver la vedette.
Le soleil commençait à pâlir et le ciel se barbouiller de gris. Les libellules les plus téméraires voletaient encore, malgré une petite baisse de moral, mais suffisante pour ternir leur scénographie. Quant aux escargots, sentant une petite brise frôler leur coquille, ils reprenaient espoir. Il était peut-être temps de sortir une antenne… peut-être les deux ?
Une goutte d’eau, puis deux et puis l’averse.
– Allez ouste, les danseuses ! Rejoignez vos abris. A l’année prochaine. Nous, on reste ! On jouera à guichets fermés.
Et les escargots prirent possession des lieux, lentement, très lentement… rien n’est urgent…
Prendre le temps de savourer, de s’étirer au dehors, de tout son long, et glisser avec délice sur le feuillage humide, puis le grignoter, tatillonner de l’antenne de ci, de là, brrr ! : elle frissonne et se rétracte ! se planquer en cas de danger, amorcer des virages : manœuvre difficile due au tangage de la coquille luisante de gouttelettes, reptations sur la carapace du voisin, doucement, voyage en tandem, destination inconnue. Prendre le temps de vivre quoi !

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