Les voix du vin sont impénétrables – partie 5

Dans un état second, entre rêve et réalité douloureuse, notre curé voulut se saisir du sarment que la colombe avait laissé tomber. Ce qu’il découvrit le sortit brutalement de sa léthargie. Il avait dans la main le feuillet maculé de taches violacés, indiscutables indices des excès de ce dimanche maudit. Statues et vitraux s’effaçaient avec lenteur dans le crépuscule naissant, le laissant seul et coupable de ses débordements. La quiétude du lieu n’apaisait pas son bouillonnement intérieur.
Pris d’une inspiration subite, il se leva d’un bond, les bras levés, et d’une voix sombre, fleurie de longs trémolos, il invoqua le ciel :
– Je n’’ai pas pu lutter… la tentation était trop forte… La coupe aux lèvres… je vis même Satan… rouge de plaisir… m’encourager… Prends pitié… Je ne suis qu’une brebis égarée ! Je t’en supplie.. Très Haut… viens… me chercher… Ne me laisse pas seul… avec mes tourments…
Il cessa tout net son discours. Satisfait de lui, redressant le torse à faire craquer les boutons de sa soutane, il chuchota :
– Je viens là de prendre avec brio le rôle de Don Camillo dans une version personnelle originale qui ne manque, ma foi ! pas de sel !
Sauf que là, on n’était pas au cinéma ! Toutes les statues restèrent muettes. Fin de la séquence.
– Quel dommage ! Je venais juste de me chauffer la voix !
Déçu, le curé rentra au presbytère.

 

 

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